Homélie du 17ème dimanche du Temps ordinaire
Abbé Jean Compazieu | 18 juillet 2021Rassemblés,
nous sommes nourris par un peu de pain
pour une vie en abondance
Textes bibliques : Lire
Pour bien comprendre le message de cet Évangile, il y a une erreur que nous devons éviter. En effet, nous risquons de nous laisser prendre par le côté magique et merveilleux. Dans son récit, saint Jean ne nous parle pas de miracle mais de « signe ». Derrière ce geste, Jésus nous dit quelque chose de lui et de son Père.
Jésus comme Élisée (1ère lecture) nous montre que Dieu voit la souffrance et à la faim des hommes ; il n’est pas indifférent à leur situation. Dans l’Évangile de ce dimanche, nous trouvons Jésus qui est suivi par une foule immense de personnes ; elles sont désireuses de lui soumettre leurs problèmes, leurs souffrances, leurs maladies, leurs échecs, leurs difficultés. En venant à lui, elles espèrent trouver une solution à leurs soucis ; il y en a peut-être qui le suivent par simple curiosité ; mais Jésus qui ne néglige rien de l’humain constate que le foule est affamée. Il lui faut donc la nourrir.
Bien sûr, il y a la faim physique ; en cette période de pandémie nous y pensons tous. Beaucoup s’inquiètent de la diminution de leurs ressources pour pouvoir manger et se loger. Oui, bien sûr ; mais il y a aussi toutes les autres faims qu’un être humain peut éprouver, faim d’être écouté, de pouvoir donner son avis, faim de respect, de dignité…
Saint Jean nous dit que Jésus enseigne longuement ces foules qui sont comme des brebis sans berger. À travers cet enseignement, il veut les aider à retrouver un sens à leur vie ; il veut surtout les amener à découvrir qui est Dieu. Ces paroles de Jésus sont celles « de la Vie éternelle ». Elles sont la nourriture qui nous est offerte à tous. Mais nous savons bien que » ventre affamé n’a pas d’oreille ». Quand on a trop faim, on n’écoute plus. Alors, comme Élisée l’avait fait avec le peu de nourriture qu’il avait, Jésus dit : « Donnez-leur vous-mêmes à manger ».
Cette parole, il nous faut l’entendre et la prendre au sérieux. Comme Philippe, nous pouvons être tentés de dire : « Cet enfant n’a que cinq pains et deux poissons ; qu’est-ce que cela pour tant de monde ? » Nous pouvons nous reconnaître dans cette réaction quand nous disons : « L’Europe ne peut pas tout faire… Ce n’est pas à nous de relever les économies des pays pauvres… »
Il nous est bon de réentendre le Christ nous dire : « Donnez-leur vous-même à manger. » Car c’est toujours avec le petit peu que nous avons que Dieu peut agir. Si cet enfant n’avait pas donné ses cinq pains et ses deux poissons, il ne se serait rien passé. Dieu a besoin de nos gestes de partage pour réaliser de grandes choses. Une pauvre femme disait à saint Vincent de Paul : « Si les pauvres ne partagent pas, qui le fera ? » Il suffit du peu que nous avons, un peu d’amour, un peu de biens matériels et un peu de disponibilité pour vaincre la faim, celle du corps et celle du cœur. Ce peu, nous le remettons entre les mains du Seigneur. C’est avec cela qu’il peut réaliser de grandes choses.
Jésus fait ramasser les restes pour que rien ne se perde. Nous ne pouvons pas nous empêcher de penser à cet immense gaspillage de nourriture dénoncé par le pape François dans son encyclique « Laudato Si ». Ce geste de Jésus est le signe de la multiplication de l’amour qu’il continue à réaliser en nous. Il nous envoie pour le distribuer à tous ceux et celles qui ont faim d’amour. Ainsi, il dépend de nous que le miracle ne s’arrête jamais, le miracle de l’amour entre les hommes.
Ce signe de Jésus est une annonce de l’Eucharistie. Saint Paul nous rappelle que le grand projet de Dieu c’est de rassembler toute l’humanité autour du Christ. « Ayez soin de garder l’unité dans l’Esprit par le lien de la paix ». Cette unité à laquelle nous sommes appelés c’est celle qui unit le Père, le Fils et le Saint Esprit (encyclique Lumen Gentium ».
Communier au Pain que Jésus nous donne, c’est changer nos cœurs pour que nous partagions le pain de la justice et de la fraternité. Nous ne pouvons participer à l’Eucharistie que si nous sommes des partageurs. Dieu ne fait rien à notre place ; il nous apprend être responsables, à prendre soin de la vie, de l’avenir des hommes et de notre planète.
Oui, le Christ est bien présent derrière tous ces gestes de partage dont nous sommes témoins. Ce geste est le signe de la multiplication de l’amour qu’il continue à réaliser en nous. Il nous envoie pour le distribuer à tous ceux et celles qui ont faim d’amour. Ainsi, il dépend de nous que le miracle ne s’arrête jamais, le miracle de l’amour entre les hommes.
“Nous sommes là, au cœur de la vie avec Dieu, au cœur de la vie de Dieu.” En ce dimanche, c’est lui qui nous rassemble autour de la table du Christ ressuscité pour partager son pain. Nous le supplions : “Mets en nous ton Esprit Saint pour que nous entrions dans ton amour.” Amen
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Sources : Feu Nouveau Juillet 2021, Fiches dominicales, Cahiers Prions en Église, dossiers personnels…
« Jésus leva les yeux et vit qu’une foule nombreuse venait à lui. Il dit à Philippe : ‘Où pourrions-nous acheter du pain pour qu’ils aient à manger ?’ […] Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit : ‘Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde !’» (Jn 6:5-9)
La remarque implacable d’André exprime le profond désarroi des apôtres face à la surprenante demande de Jésus. ‘Cinq pains d’orge et deux poissons !’ Pas grand-chose face au challenge de nourrir cette foule immense ! Mais c’est tout ce qu’un jeune garçon possède. C’est peut-être même son seul repas de la journée. Pourtant, généreusement, il accepte de remettre à Jésus son casse-croûte afin qu’Il le distribue à la foule qui Le suit. Un merveilleux exemple de partage ! Un geste fabuleux de la part de celui qui n’a presque rien ! La générosité du jeune garçon et le miracle de Jésus qui s’en suit soulignent le miracle quotidien de ceux qui sont au service des autres. Solidarité et don de soi. Avec le cœur ouvert à la détresse d’autrui, ils font des merveilles. Petit geste, grand amour. Le même geste est raconté dans la première lecture de la liturgie de ce dimanche : Un homme de Baal-Shalisha offre à Élisée ‘vingt pains d’orge et du grain frais dans un sac’ et le prophète a tout redistribué pour nourrir les affamés. Dans les deux cas, les textes bibliques soulignent la disproportion entre la nourriture disponible et les besoins énormes des gens qui n’ont rien à manger.
Le partage, c’est l’expression concrète de la foi chrétienne. Donner et se donner. N’avons-nous pas nous-mêmes parfois expérimenté, à des moments difficiles de notre vie, la joie de recevoir de l’aide ? À plus forte raison, quelqu’un qui n’a rien… Les démunis, au point de vue matériel et/ou moral, ont besoin d’être soutenus. Les vulnérables, surtout en cette période de crise, ont besoin qu’on vienne à leur secours ! Dieu a besoin de notre concours, de nos gestes de partage pour réaliser des prodiges. Il nous engage à partager ce que nous avons avec nos frères et sœurs qui sont dans le besoin. Même si nous croyons avoir peu de chose à donner, Dieu peut en tirer une bénédiction pour des milliers de gens qui n’ont rien. Notre apport peut paraître insignifiant, mais l’important c’est que nous donnions le meilleur de nous-mêmes. Certes, nous n’avons pas une baguette magique pour changer le cours des choses mais la société peut être transformée si nous ouvrons notre cœur aux autres.
‘Changer le monde avec de petites choses de chaque jour, avec la générosité, le partage, en créant des attitudes de fraternité.’ dit le Pape François à son audience du 2 juin 2017. Ce sont ces gestes d’amour, de partage et de solidarité qui transfigurent et multiplient nos plus humbles réalités. C’est là-dessus que nous serons jugés : « Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire… » (Mt 25:35) La foi chrétienne doit être active, saint Jacques nous la rappelle : « Mes frères, si quelqu’un prétend avoir la foi, sans la mettre en œuvre, à quoi cela sert-il ? Sa foi peut-elle le sauver ? Supposons qu’un frère ou une sœur n’ait pas de quoi s’habiller, ni de quoi manger tous les jours; si l’un de vous leur dit : ‘Allez en paix ! Mettez-vous au chaud, et mangez à votre faim !’ sans leur donner le nécessaire pour vivre, à quoi cela sert-il ? Ainsi donc, la foi, si elle n’est pas mise en œuvre, est bel et bien morte. » (Jacques 2:14-17)
La nourriture est un besoin indispensable. Jésus a lui-même inclus le ‘pain quotidien’ dans la prière enseignée aux apôtres : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour. » (Mt 6:11) Si ce besoin vital n’est pas apaisé, il est très difficile pour ‘monsieur et madame tout-le-monde’ de s’élever vers une dimension plus spirituelle ! En effet, ceux qui ont connu une expérience douloureuse de privation savent à telle point qu’il est difficile de penser à autre chose qu’à remplir son estomac vide. Quand on est tenaillé par la faim, la voie spirituelle ne semble être qu’un mirage !… En ce temps de crise, les pauvres sont les plus pénalisés. Ils sont les premiers à souffrir de la détérioration de l’économie, des conditions de travail et de vie. Des situations poignantes ne sont pas rares dans l’information quotidienne. Une partie non négligeable de la population mondiale souffre de malnutrition, pendant ce temps des gens gaspillent sans vergogne… Un tiers de la nourriture produite dans le monde aboutit dans les bennes à ordures. On est écœuré de voir tous les repus gaspiller ce que beaucoup aimeraient avoir une petite miette. Un scandale de notre société moderne. Un délit de solidarité ! Rassasiés, beaucoup de gens dans la foule n’ont pas encore saisi la valeur de la nourriture. Jésus doit certainement être déçu : « Quand ils eurent mangé à leur faim, Jésus dit à ses disciples : ‘Rassemblez les morceaux en surplus, pour que rien ne se perde.’ » (Jn 6:12)
Le geste de générosité du jeune garçon dans l’Évangile d’aujourd’hui doit être une leçon pour nous tous. ‘Cinq pains d’orge et deux poissons !’ Une goutte d’eau dirait-on, mais c’est à partir de ce geste que le miracle puisse avoir lieu. Saint Jean insiste : « Celui qui a de quoi vivre en ce monde, s’il voit son frère dans le besoin sans faire preuve de compassion, comment l’amour de Dieu pourrait-il demeurer en lui ? Petits enfants, n’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité. » (1 Jean 3:17-18)
Nguyễn Thế Cường Jacques